INTERVIEW : Tom Lévêque, « La Voix du Livre » - Boîtamo
Passionné par la littérature jeunesse, Tom Lévêque partage ses découvertes sur le blog « La Voix du Livre » et sur la chaîne YouTube « Boîtamo ». Des prémices de son histoire en tant que blogueur à ses projets actuels et futurs il nous raconte son histoire et nous parle de son intérêt pour le livre et pour cette littérature ado qui « parle souvent de premières fois et de dernières fois » ...
Portrait !
Tom Lévêque (c) Nathan Lévêque |
Commençons
sur ton histoire en tant que blogueur : sauf erreur de ma part, tu as
commencé très jeune sur "Skyblog" avec des chroniques sur la littérature
jeunesse.
Comment
cette idée est-elle apparue ?
On avait 13 ans, quand mon frère
jumeau (Nathan) et moi avons entendu parler d’une sorte de recrutement de
chroniqueurs et chroniqueuses par Gallimard Jeunesse sur leur blog « On
lit plus fort ! ». Du haut de mes 13 ans, l’idée de lire en
avant-première les romans Gallimard Jeunesse m’a forcément séduit.
Pour être sélectionné, il
fallait envoyer une chronique d’un livre Gallimard Jeunesse. J’ai écrit sur Tobie Lolness de Timothée de Fombelle …
Et voilà ! J’ai été pris ainsi que 100-150 autres blogueurs et blogueuses.
Le but du jeu était qu’on parle des livres Gallimard Jeunesse sur nos blog respectifs.
J’ai fait ma première chronique sur La voix du couteau de Patrick Ness (un incontournable de la littérature ado !), c’est d’ailleurs de là que vient le nom de mon blog « La Voix du Livre ».
Et puis j’ai commencé à écrire sur tout ce que je lisais (plus seulement Gallimard Jeunesse) : c’était plutôt un journal de lecture, un journal écrit avec la plume maladroite de mes 13 ans !
Très vite est venu le plaisir
d’écrire, parce que j’ai
toujours aimé écrire, puis celui de rencontrer virtuellement plein d’autres
lecteurs et lectrices de littérature jeunesse et ados. C’était fantastique de
découvrir qu’on pouvait en parler et trouver d’autres aficionados très
facilement sur la blogosphère.
Comme
tu l’as dit, il y avait pleins d’autres jeunes comme toi. Selon toi, ils ont
suivi assez rapidement ton blog ?
On était une petite communauté.
En fait, on était à la période de l’essor des blogs, du coup leur nombre a
augmenté très vite et le public a suivi.
Tu
as pu entrer en contact avec d’autres blogueurs ?
Oui, évidemment ! Tu commentes
les articles des autres, ils et elles viennent commenter les tiens et tu peux
t’informer sur ce qui se passe, prendre des conseils… C’est sans doute ça le
plus chouette dans l’aventure de blogging.
La
notion de partage ?
Oui, on avait des ami·es et de la famille mais ils
ne lisaient pas forcément les mêmes livres que nous… alors quand tout à coup on
rencontre des fans des mêmes livres que nous, c’est excitant !
Aujourd’hui tu
travailles dans le domaine du livre, tu l’as toujours souhaité ?
Oui... Depuis tout petit je veux devenir écrivain. Mais mes parents m’ont tout de suite dit
« tu ne vas pas gagner ta vie en devenant écrivain » (rires).
Alors mon autre alternative, c’était de travailler dans le milieu du livre.
J’ai fait le DUT « métiers du livre », spécialité librairie-édition,
à Bordeaux. Et c’est à ce moment-là que j’ai pu vraiment découvrir ces métiers
et faire mon choix entre librairie et édition.
Aujourd’hui, je termine mon master Politiques
éditoriales à Villetaneuse en apprentissage aux Éditions Talents Hauts.
Au fur et à mesure, tes
écrits ont évolué et tu as proposé du contenu plus élaboré, des jeux concours,
des choses en rapport avec des structures externes…
Oui, au début, comme beaucoup de jeunes blogueurs et
blogueuses, j’ai été attiré par les sortes de partenariat avec des maisons
d’édition comme Gallimard Jeunesse ou par la suite Nathan et d’autres maisons
d’édition.
Mais le plus intéressant (pour les lecteurs et
lectrices du blog et pour moi), ça été le moment où je me suis détaché de ça.
En réfléchissant à de nouvelles choses, en créant de nouveaux contenus :
j’y ai mis mon identité, j’ai essayé de proposer davantage d’articles de fonds.
Par exemple, en 2015, j’ai mis en place un
« cadavre exquis » sur mon blog : un auteur devait commencer à
écrire une histoire, une autre prenait le relai puis encore une autre et ainsi
de suite.
Je pense que les gens ont commencé à me suivre car
je ne proposais pas les mêmes contenus que tout le monde… et puis c’était
concomitant avec l’expérience, je crois, de mes quelques années d’écriture.
Tu aurais une idée du
type de public que tu attires sur le blog et sur ta chaîne YouTube Boîtamo
?
Je pense que j’ai un public assez professionnel, les
ados sont plus sur YouTube et Instagram que les blogs. Même ma chaîne YouTube a
une approche plus pro. Je pense que mon public est déjà habitué aux livres,
j’ai quelques ados, des gens qui m’ont suivi quand j’étais ado et qui sont
maintenant devenus des adultes, mais aussi beaucoup de bibliothécaires, de
libraires…
Les ados sont présent·es sur YouTube, notamment sur
la chaîne d’Audrey (Le Souffle des Mots), qui est une des booktubeuses les plus
suivies avec un public très jeune, plutôt 10-15 ans que 15-18 ans. Les chaînes
comme celle d’Audrey n’ont pas les mêmes buts et ambitions qu’un blog ou une
chaîne comme La Voix du Livre ou la Boîtamo. Et c’est intéressant car ça se
complète bien.
Justement, pourquoi
passer à ce format ? Parle nous de la « Boîtamo ».
J’ai voulu faire un format vidéo car ça m’intriguait
et ça m’intéressait de voir tout ce qui se faisait. Mais je ne me sentais pas
du tout à l’aise avec le format classique « face caméra » où l’on
parle des livres qu’on a lus sans une mise en scène très élaborée. Je voulais
vraiment proposer quelque chose de différent.
Et au même moment, le hasard m’a fait rencontrer
Camille. Elle était électricienne de cinéma et elle voulait faire du contenu
vidéo sur les livres. On a donc pensé et créé Boîtamo ensemble, l’idée étant de
rencontrer des auteurs et autrices (puis des professionnel·les du livre).
Porter ce projet à deux c’était mieux pour moi car elle apportait les
compétences et un regard que je n’avais pas, et je ne voulais pas que la chaîne
YouTube prenne le dessus sur le blog.
Comment vous vous
répartissez les tâches entre Camille et toi ?
Je suis chargé de toute la partie prise de contact
avec les professionnel·les (auteur·rices, éditeur·rices…), de la préparation de
l’interview et je m’occupe des réseaux sociaux de la chaîne puis de la mise en
ligne. C’est donc la partie littéraire et la partie gestion. Camille est plutôt
sur l’aspect technique : le cadrage et le montage.
Cependant, c’est un travail qui prend beaucoup de
temps donc on pense arrêter cet été, sans doute en septembre. On finit ce qu’on
a commencé et on met un point final à la chaîne. Peut-être qu’on la relancera
plus tard mais pas maintenant car on ne veut pas que le projet se délite. Ça va
être comme une saison qui prend fin ; d’ailleurs la dernière vidéo va être
très chouette… je n’en dis pas plus pour le moment !
Durant cette expérience,
y-a-t-il un auteur, un moment ou quelque chose de particulier qui t’a
marqué ?
Il y en a pas mal qui m’ont marqué. Par exemple la
chasse au trésor avec Flore Vesco, on s’est bien amusé ce jour-là. Après il y a
certain·es auteur·rices avec qui je me sens proche dans le regard sur la
littérature, comme Clémentine Beauvais sur la littérature ado. Maintenant,
quand je parle de littérature ado je montre cette vidéo car ce qu’elle y dit
est pour moi l’essence même de la littérature ado.
Effectivement, on a
l’impression que pour toi et de manière générale, il y a une sorte de combat
pour faire valoir la littérature ado.
Oui et ce que je trouve intéressant dans ce que dit
Clémentine : c’est que la littérature ado est au même niveau que la littérature
adulte, l’enjeu étant cependant de valider ce genre de littérature en tant que
tel et pas en la validant par le public adulte qui parfois la lit. Pour moi l’erreur est de dire
« ce livre-là est vraiment bien, regarde, même moi j’ai 40 ans et je
l’ai lu ».
Peut-être faut-il donc chercher à définir la
littérature ado autrement que par la tranche d’âge : bien-sûr le premier
public est le public d’ados, mais il faut comprendre pourquoi ça plait autant à
des adultes. Clémentine Beauvais répond en expliquant que c’est
une littérature de l’intensité. Ça parle souvent de premières fois et de
dernières fois qui sont assez propre à l’adolescence. L’adolescence est la période de la vie où tout est extrêmement intense. Quand on lit cette littérature, on peut alors s’y
reconnaître car on replonge dans ces moments-là, on réactive ces sentiments-là. Je trouve très intéressant de voir la
littérature ado sous cet angle.
Selon toi, qu’est-ce que
c’est le « young adult » qui apparaît depuis un moment déjà ?
Je pense qu’il n’y a pas de définition, et c’est
pour ça que c’est très dur d’en parler. C’est une catégorie marketing donc
chaque éditeur ou chaque librairie y glisse un peu ce qu’elle veut. Moi, j’ai
l’impression qu’elle fait partie de la littérature jeunes adultes, c’est-à-dire
que la littérature jeunes adultes se définit par tranche d’âge alors que le
« young adult » est très codé : il y a un type particulier de
construction de l’histoire, c’est une littérature de genre (type Hunger Games),
on cherche un certain rythme, à tenir en haleine …
Pour revenir sur toi en
tant que lecteur, comment gères-tu ta bibliothèque ?
C’est l’anarchie (rires). Depuis quelques mois j’achète plein de
livres, je les ouvre, je les commence, je les aime bien, et puis je passe à un autre
chose. Du coup, j’ai presque
10 à 20 livres commencés qui attendent devant ma table de nuit.
C’est une lassitude, une
recherche d’excellence, ou plutôt une boulimie de curiosité ?
C’est plus une boulimie de curiosité, surtout que
depuis quelques temps j’ai élargi mes horizons de lecture, il y a pleins de
nouveaux mondes littéraires qui m’intéressent.
Aussi, comme je suis en dernière année de master et
puis avec tous les projets que j’ai à côté, j’ai de plus en plus de mal à
trouver du temps pour lire, donc mes lectures sont très fractionnées et c’est
pour ça que j’ai du mal à finir les livres.
Au début ma bibliothèque était très rangée,
maintenant c’est devenu n’importe quoi. J’ai perdu tout attachement à l’objet
« livre », il peut finir au fond de mon sac plié ça ne me dérange
pas.
Pourquoi tu as perdu cet
attachement à ton avis ?
Ça fait quelques temps déjà, depuis que je travaille
dans l’édition. Je vois tout le gâchis
de livre qui est fait, notamment ceux envoyés au pilon juste parce qu’ils sont
un peu cornés : pour moi ce qui compte c’est ce qu’il y a dedans, pas
l’objet.
C’est dû aussi à mon évolution : je suis un peu
moins matérialiste et aussi j’adore le fait que le livre ait vécu.
J’imagine que tu as
besoin d’espace pour ranger les livres, parfois tu les donnes, tu les vends ou
tu les prêtes ?
J’en donne beaucoup. Je viens juste de
déménager par exemple, donc j’ai fait une pile de livres dans laquelle mes
ami·es pouvaient se servir chez moi, j’en mets aussi dans des boîtes à livres,
j’en ai revendu et prêté aussi. Je garde vraiment ceux que j’ai envie d’avoir
dans mon horizon de lecture, ou les nombreux que je dois encore lire.
Enfin, que penses-tu du
concept Tonbooktoo ?
Je trouve ça ambitieux. J’aime l’idée qu’on remette
des livres dans le circuit plutôt que de les jeter ou qu’ils prennent la
poussière dans nos bibliothèques. J’aime aussi le fait de mener à des
rencontres, comme moi depuis que j’ai mon blog, j’ai rencontré des gens
incroyables qui sont aujourd’hui des amis. Donc remettre au cœur de la lecture
la notion de partage, c’est une belle idée.
Merci à Tom pour son temps et son enthousiasme, allez donc le lire et l'entendre !
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